Au Parlement wallon, la ministre Christie MORREALE a répondu à une question orale d’Alda GREOLI portant sur l’annonce dans la DPR du lancement d’expériences pilotes de territoires zéro chômeur de longue durée.

C’est là une opportunité de faire le point sur ce projet qui retient l’attention de plusieurs d’entre nous…

En Commission emploi, action sociale et santé du mardi 12 novembre 2019, au Parlement wallon, la ministre Christie Morreale a répondu à une question orale d’Alda Greoli portant sur l’annonce dans la DPR du lancement d’expériences pilotes de territoires zéro chômeur de longue durée.

La députée wallonne cdH s’inquiète du fait que le paysage institutionnel chez nous n’est pas du tout le même que celui de la France, tout comme l’éventail des acteurs et des politiques d’insertion. Elle rappelle que cela inspirait un certain scepticisme, au ministre-président Magnette qui dans un article du Soir de février 2017 ne prenait pas parti pour ce type d’expériences. Il mettait en exergue notre chaîne d’intervention et d’accompagnement personnalisé et soulignait aussi la nécessité d’obtenir l’accord et la collaboration du niveau fédéral.

La Ministre annonce que ces expérimentations devront être conçues et mises en œuvre, en lien étroit avec le déploiement par le Forem et ses partenaires, de l’accompagnement dit « adapté » qu’elle compte présenter bientôt au Parlement. Pour elle, les IBEFE devront nécessairement jouer un rôle moteur aux côtés du Forem dans l’élaboration de ce nouveau dispositif. Les entreprises à but d’emploi wallonnes devront par ailleurs s’inscrire dans une dynamique d’économie sociale faisant appel par exemple à l’expertise des agences-conseils en économie sociale, ou à la SOWECSOM. Préalablement, pour la ministre, il est indispensable de déterminer la forme que pourra prendre l’intervention publique nécessaire pour la création de ces entreprises en tenant compte du principe d’égalité et de non-discrimination, des directives européennes en matière d’aides d’État, du contexte institutionnel et de la répartition des compétences en matière d’emploi. Les questions à approfondir sont donc nombreuses et devront trouver des réponses sur le plan juridique et budgétaire.

En tout état de cause, la ministre annonce «  donner une priorité à ce dossier et à son articulation avec la mise en place du nouvel accompagnement adapté des demandeurs d’emploi. À titre personnel, j’ai lu le bouquin Territoires zéro chômeur de longue durée et je pense que l’on change complètement de paradigme. C’est, encore une fois, loin de la simplicité à dire : « Y a qu’à » et la mettre en place. On sait que c’est complexe et qu’il faut s’inspirer du modèle français, mais en se disant que ce dernier a ses spécificités et que nous avons les nôtres ».

Difficile de voir malice ou désintérêt derrière la prudence affichée par la ministre. La nécessité d’une concertation incontournable avec le niveau de pouvoir fédéral et son gouvernement en affaires courantes et de l’obligatoire adaptation du concept français à un contexte institutionnel wallon bien différent s’impose de toute évidence. Mais comment ?

D’après des interlocuteurs du Nord de la France, il semble que l’expérience française se développe mieux en milieu rural ou semi-rural. Dans le paysage urbain, ce serait plus compliqué d’après leurs dires… A Charleroi, Liège ou à Bruxelles, les difficultés pourraient se révéler sensiblement les mêmes, notamment pour trouver des activités qui ne concurrencent pas le secteur privé ou les services existants du secteur non-marchand. Enfin et surtout, chez nous, IDESS, titre-services, entreprises d’insertion et autres services de proximité existent et occupent déjà – du moins en partie – le terrain…

De plus, les mêmes interlocuteurs nous rapportent qu’en matière d’insertion, les EBE se montreraient efficaces et pertinentes pour les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans disposant d’une expérience professionnelle. Ces derniers s’intégreraient assez bien et s’avéreraient plus compétents et motivés. Il n’en irait pas de même pour les publics sans expérience ou plus jeunes… Confronté aux réalités, le modèle aurait ses forces et ses faiblesses… A vérifier bien entendu quand nos voisins publieront leurs premières évaluations…

On comprend donc mieux la « prudence volontaire » de la ministre Morreale. Son cabinet réfléchit à adapter le modèle de nos voisins. Nous avons ainsi entendu formuler l’idée de fixer des territoires définis où mener une politique de mise à l’emploi des chômeurs de longue durée serait renforcée prioritairement avec le déploiement et le développement des outils existants comme les IDESS, les entreprises d’insertion, les titre-services déjà cités précédemment ou les CISP et les CPAS… Pourquoi pas ? Mais si tel devait être le choix politique qui sera posé à l’heure des décisions, il s’agirait là d’une telle évolution de la philosophie de départ qu’on pourrait se demander si on n’assisterait pas là à la disparition du projet de Patrick Valentin…