Le marché de l’emploi continuerait à bien se porter malgré la crise que nous traversons. A une nuance près : pas pour toutes et tous ! Les chercheurs et chercheuses d’emploi à faible qualification restent plus nombreux et plus longtemps inactifs que les autres…

Alors que les perspectives économiques plongent, sur fond de crise énergétique et d’inflation, notamment, le marché de l’emploi continue de bien se comporter. Ainsi, le Baromètre de l’emploi publié chaque trimestre par ManpowerGroup, le confirme à nouveau : 46 % des employeurs belges, toutes tailles et tous secteurs confondus, prévoient d’augmenter leurs effectifs au cours des trois prochains mois, seuls 13 % prévoyant de les réduire. Dans le détail, le Baromètre de ManpowerGroup, qui est fondé sur une enquête réalisée auprès de 512 employeurs, montre que la totalité des secteurs sondés affichent des perspectives de recrutement positives, le secteur financier arrivant en tête et l’industrie manufacturière en queue d’un peloton englobant le commerce, l’horeca, le secteur IT ou encore la construction, notamment. Les perspectives sont favorables également dans toutes les régions du pays, les employeurs étant les plus optimistes à Bruxelles, qui devance de ce point de vue la Wallonie et la Flandre.

Ces prévisions, issues de données récoltées en juillet, étonnent car elles sont en croissance par rapport aux trimestres précédents : la « prévision nette d’emploi », soit le différentiel entre les entreprises prévoyant de recruter et celles prévoyant de licencier, atteint 33 %, en hausse de 8 points par rapport au trimestre précédent et de 3 points par rapport aux prévisions de la même période l’an dernier. Si les dernières analyses du Bureau du plan anticipent un ralentissement de la croissance en Belgique à 2,6 % cette année et 0,5 % en 2023, elles prévoient toujours une poursuite de la croissance de l’emploi. Ainsi, en 2022, on devrait encore créer 100.000 emplois, avec un léger “bémol” en 2023 avec une progression de l’emploi se réduisant à 39.000 personnes. Pour la période 2020-2023, le Bureau du Plan table sur une augmentation globale de l’emploi de 225.000 personnes. En moyenne annuelle, le chômage diminuerait de 16.000 unités cette année, mais repartirait légèrement à la hausse en 2023 avec 3000 personnes supplémentaires. Le taux de chômage belge passerait de 8,4% à 8% cette année et se stabiliserait en 2023.

Alors que pour 2023, le Bureau du Plan prévoit un net ralentissement de la croissance du PIB, qui ne devrait pas dépasser 0,5%, les perspectives en termes de créations d’emplois restent donc positives malgré ce contexte économique défavorable… Comment expliquer un tel paradoxe ? Sébastien Delfosse à la tête de ManpowerGroup pour la Belgique et le Luxembourg, avance des premières explications dans Le Soir du 13 septembre. La Belgique s’inscrirait dans un phénomène plus large, qui touche la quasi-totalité des pays industrialisés : « Les pénuries pour certains profils et dans certains secteurs sont tellement fortes que, pour nombre d’employeurs, recruter reste prioritaire en dépit du ralentissement à venir. Dans la perspective où celui-ci ne serait que temporaire, ils préfèrent s’assurer dès maintenant de disposer des compétences adéquates pour profiter du rebond ». Un autre facteur, qui s’inscrit dans le sillage du premier, tient à l’inertie des marchés. De nombreuses entreprises sont pour l’instant occupées à honorer les carnets de commandes signés il y a quelques mois et sont parfois bien en peine de le faire en raison précisément des pénuries sur le marché combinées au départ à la retraite de toute une génération de salariés : « L’entreprise qui cherche deux ingénieurs depuis six mois et ne les a pas encore trouvés va continuer à essayer de les recruter dans les prochains mois », confirme Sébastien Delfosse.

Mais en va-t-il de même pour les emplois à qualifications réduites ? Il est permis d’en douter… C’est ce qui ressort mercredi 14 septembre de nouveaux chiffres de Statbel(*), l’office belge de statistiques relatifs à l’emploi. On y apprend que 35,4% des chômeurs au premier trimestre 2021 étaient encore au chômage après un an, ce chiffre atteignant 42,2% pour le différentiel entre les deuxièmes trimestres respectivement de 2021 et 2022. Statbel observe par ailleurs de fortes disparités régionales: 30,9% des chômeurs flamands au deuxième trimestre 2021 le sont encore un an plus tard pour 52% à Bruxelles et 48,2% en Wallonie. Mais le chiffre qui nous a le plus impressionné est celui de 92,1% des personnes à niveau d’instruction faible restant inactives un an, soit bien plus que les autres catégories de personnes sans emploi. Le marché de l’emploi ne se porte pas bien pour tout le monde…