Des associations agréées entreprises de formation par le travail (EFT) affiliées à CAIPS se sont inquiétées des effets de la réforme des sociétés sur leur régime fiscal. Le nouveau code des sociétés donnant un statut d’entreprise à part entière aux asbl pourrait-il aboutir pour ces associations développant des activités commerciales, à leur assujettissement à l’impôt des sociétés ? Chimère ou réalité ? L’enjeu est naturellement de perdre l’avantage fiscal que représente l’assujettissement à l’impôt des personnes morales (IPM), par rapport à l’impôt des sociétés (ISOC).

La récente réforme du code des sociétés qui assimile les associations à des entreprises à part entière modifiera-t-il la donne pour les EFT? Il semble que non tant que les activités commerciales sont liées à la formation par le travail qu’implique votre agrément et que celles-ci restent « accessoires »…

La Chambre a adopté le 28 février 2019, une loi visant à légaliser la transition de l’assujettissement à l’Impôt des Personnes Morales (IPM) vers l’assujettissement à l’Impôt des Sociétés (ISOC). Cette nouvelle réglementation s’intègre dans la réforme plus globale du droit des associations. En effet, la nouvelle définition des associations leur permet d’exercer des opérations commerciales sans limite, cela induit une série de conséquences tant au niveau du droit à l’insolvabilité qu’au niveau fiscalité et plus précisément la fiscalité sur le revenu. Plusieurs centres affiliés s’inquiètent de savoir si ces évolutions remettent en cause le statut fiscal de leur association. La question est plus évoquée dans les associations disposant d’un agrément d’entreprise de formation par le travail (EFT) où l’exercice d’une activité commerciale est en lien étroit avec l’activité sociale déployée.

Une asbl n’est pas automatiquement assujettie à l’IPM. Il y a lieu de confronter son activité réellement exercée aux critères mis en place par la jurisprudence et la loi sur le plan fiscal. En effet, les critères d’assujettissement à l’IPM doivent être rencontrés obligatoirement. Seule l’activité exercée, et, dans une moindre mesure, la nature de l’association, permettra d’en déterminer le régime fiscal.

Une asbl soumise à l’IPM n’est en principe imposée uniquement que sur certains revenus expressément visés par la loi. A l’inverse, l’impôt des sociétés frappe l’ensemble des revenus perçus par l’ASBL. La base imposable est donc nettement plus limitée à l’impôt des personnes morales. En matière d’impôt des sociétés, un taux unique plus élevé que l’IPM est par ailleurs applicable, du moins…en cas de bénéfices. A l’inverse, l’impôt des personnes morales ne connait pas de taux unique ; un taux spécifique est applicable pour chaque catégorie de revenus. En règle générale et dans pratiquement tous les cas pour les EFT, l’impôt des personnes morales est moins élevé que l’impôt des sociétés vu les différences entre ces deux impôts.

Le nouveau Code des sociétés donne la possibilité pour les associations d’exercer des activités commerciales sans aucune limite. Ainsi, les ASBL pourraient être plus souvent soumises à l’impôt des sociétés. Le site « Mon asbl » (voir à https://www.monasbl.be/info/fiscalite/comment-determiner-le-regime-fiscal-de-votre-asbl), propose une méthode qui permet de clarifier la situation de votre asbl en la matière. Qu’est-ce que le nouveau code des sociétés va avoir comme impact sur le plan fiscal ?

L’article 182 du Code des impôts sur les revenus 1992 reste le fondement actuel sur base duquel les asbl agréées EFT sont assujetties à l’impôt des personnes morales. En effet, bien que l’article semble ne viser que 2 catégories de personnes morales concernées, il en distingue en fait 3. La dernière concerne entre autres, les EFT en association qui accomplissent des activités à caractère lucratif autorisées par le Code des impôts. Elle s’étend, selon les commentaires de l’article précité, « aux ASBL et autres personnes morales ne poursuivant pas de but lucratif et exerçant des activités qui, par essence, ne sont pas considérées comme productives de bénéfices parce qu’elles répondent à une mission d’intérêt général (activités de nature purement philanthropique, caritative, spirituelle, religieuse ou culturelle). Il n’y a donc pas lieu de soumettre à l’ISOC les ASBL et autres personnes morales susvisées qui se livrent accessoirement à des opérations de caractère lucratif, en vue de la réalisation de leur but désintéressé et socialement recommandable » (commentaire n° 182/6).

Le caractère accessoire de ces opérations doit tout de même être démontré. La difficulté réside probablement dans le fait que ce critère ne peut être affirmé avec certitude car il n’existe pas de règles précises. Seul l’examen régulier, au cas par cas, de la situation de l’ASBL et de l’ensemble de ses activités permettra d’en déterminer le régime fiscal. Le commentaire de l’article 182 relevé ci-dessus donne tout de même quelques indications en précisant que la question de savoir si une activité est ou non accessoire doit être analysée sur base notamment de 2 critères :

  • Le critère de corrélation : l’activité commerciale est un corollaire nécessaire de l’activité principale désintéressée, c’est-à-dire que cette dernière serait rendue impossible sans l’exercice de l’activité en question. Celle-ci découle alors simplement de l’activité désintéressée (socio-professionnelle dans le cas des EFT) en ce sens qu’elle ne s’exerce que conjointement avec cette dernière, c’est-à-dire en même temps et au même endroit. La formation par le travail est clairement un argument plaidant dans ce sens pour les EFT.
  • Le critère quantitatif : il faut comparer l’importance des moyens mis en œuvre entre, d’une part, l’activité professionnelle exercée et, d’autre part, l’activité désintéressée. Lorsqu’il ressort de cette comparaison que l’importance des moyens mis en œuvre dans l’activité professionnelle est notablement plus importante que celles des moyens affectés à l’activité non lucrative, l’ISOC est en principe applicable.

Les critères « fiscaux » pour qualifier les opérations commerciales d’accessoires sont donc quantitatifs, qualitatifs, corrélatifs. L’analyse d’une situation se fait avant tout au cas par cas. On ne peut donc exclure le fait qu’une EFT devienne soumise à l’ISOC si le fisc venait à considérer que ses activités commerciales priment sur ses activités de formation par leur caractère disproportionné…

En l’absence de bénéfices ou lorsque le chiffre d’affaire est significativement plus bas que les recettes liées aux subsides, il devrait être facile de convaincre le fisc du caractère accessoire des activités commerciales. Votre agrément, la réglementation wallonne plaide pour vous. Mais, dans le cas contraire, si le chiffre d’affaire de l’activité est significativement plus élevé que le financement public de la formation, prudence ! Il y a sans doute lieu de se faire conseiller ; le recours aux conseils d’un réviseur d’entreprise est à cet égard, une piste à sérieusement envisager. L’enjeu n’est pas mince si l’administration en vient à considérer que votre EFT effectue des opérations commerciales à titre principal au regard d’un chiffre d’affaires trop conséquent à ses yeux ou octroie des rémunérations estimées trop importantes…

L’assujettissement à l’impôt des sociétés est à éviter ; il peut entrainer une taxation qui englobe les subsides ! Néanmoins, et en guise de consolation, relevons qu’il existe néanmoins des cas où l’assujettissement à l’impôt des sociétés présente un avantage, par exemple, lorsque l’association bénéfice de revenus soumis au précompte mobilier et que, parallèlement, elle réalise un bénéfice peu élevé, voire une perte. En effet, dans ce cas, l’excédent de précompte sera remboursable. Ce ne serait pas le cas si l’asbl était assujettie à l’impôt des personnes morales. Il faut donc faire preuve de prudence et ne pas hésiter en cas de doute à consulter un spécialiste…