Vendredi 22 octobre dernier, CAIPS tenait ses États généraux à Charleroi, sur le thème « L’accompagnement, tous concernés » pour nos retrouvailles. On soulignera l’engagement de la Ministre MORREALE en fin de journée à octroyer une indemnité de formation aux stagiaires du PMTIC. Résumé des temps forts, en attendant les actes de la journée qui suivront bientôt…

De l’avis général, la journée fut un franc succès. Pas moins de 140 personnes y ont assisté, issues tant des centres affiliés à CAIPS que de dispositifs partenaires. Un vrai plaisir partagé d’enfin se retrouver après l’éloignement physique imposé par la crise sanitaire! Le menu des différentes pauses figurait dans la farde remise à l’entrée, ce qui en a mis plus d’un et plus d’une en joie!

En ouverture de ces Etats Généraux 2021, après une introduction assurée par Necati CELIK, président de la fédération, qui a salué et remercié participants et partenaires de l’évènement, nous avons réaffirmé une approche de l’accompagnement largement partagée par les affiliés, que nous entendons continuer à défendre. Cette conception, issue des travaux préparatoires, est un objectif, un but vers lequel tendre constamment. Elle peut être esquissée comme suit : « Une démarche qui part des réalités de la personne et s’y adapte, dans une approche humaine, menée en collaborations, qui fait sens pour les intéressés et les place en position d’acteurs, cherche à transformer l’environnement sociétal et ose se réinventer pour œuvrer à l’inclusion effective des plus marginalisés, et à leur émancipation ».  Vous la retrouverez dans son entièreté en cliquant sur ce lien.

S’en est suivi un débat sous la forme d’un panel composé de Marie-Kristine VANBOCKESTAL, Administratrice générale (FOREM), Vincent PESTIEAU, Secrétaire régional (FGTB Charleroi Sud-Hainaut), Alain VAESSEN, Directeur général de la Fédération des CPAS de Wallonie, Jean-Luc VRANCKEN, Directeur de la fédération CAIPS ainsi que de deux chercheurs de l’ULiège spécialisés dans les politiques sociales et d’emploi : Jean-François ORIANNE, Professeur au département des sciences sociales de l’ULiège, sociologue de l’action publique et des problèmes au travail, et Laura BEUKER, chercheuse au LENTIC et chargée de projets à la Maison des Sciences de l’Homme de l’ULiège. Les échanges ont porté sur l’accompagnement dit « orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi » tel que prévu dans le cadre de la réforme en cours avec le décret adopté en Commission au Parlement wallon ce 19 octobre. Les projets d’arrêtés d’exécution sont quant à eux passés en 1ère lecture ce 8 juillet au GW. Autant dire que l’accompagnement des demandeurs d’emploi est à l’agenda politique. L’enjeu de cette vaste réforme dite “TIM pour Talents, Impulsion, Mobilisation”, touche principalement le Forem, mais va impacter directement ou indirectement, tant les centres que leurs publics, avec une mise en œuvre progressive.

Le débat et les échanges avec la salle ont mis en évidence plusieurs enjeux. On citera entre autres:

  • L’enchaînement des étapes de l’accompagnement du Forem (avec évaluation non formelle, formelle, retour possible à la non formelle, etc.) et la conjugaison de l’accompagnement et de l’évaluation, clairement distingués du contrôle, devraient limiter à l’avenir le nombre de dossiers transmis au service contrôle et donc le nombre de sanctions.
  • La réforme aura pour effet de renverser les priorités des conseillers du Forem qui devront prioriser les personnes les moins qualifiées.
  • Chaque DE sera affecté par le Forem à une des quatre catégories d’accompagnement selon une méthode faisant appel à l’intelligence artificielle, au risque que les personnes étiquetées « très éloignées de l’emploi » et bénéficiaires d’un accompagnement intensif se retrouvent stigmatisées. Cette méthode inquiète et questionne…
  • On entend parler d’approche « phygitale » où le Forem se défend de miser sur le “digital first” puisque tout demandeur d’emploi pourra bénéficier de rendez-vous en face-à-face. Mais si la maturité numérique d’un DE est jugée insuffisante, l’arrêté d’application prévoit que le Forem lui proposera systématiquement de se former en la matière. On est loin d’une approche multidimensionnelle qui fixe les priorités avec la personne en fonction de ses projets et compétences, de ses choix ou de l’environnement.
  • Les modalités méthodologiques de l’accompagnement restent très floues pour tout ce qui ne concerne pas son volet numérique. Dans le cadre de l’accompagnement de type intensif qui vise nos publics, il importera de rendre effective la participation de chaque DE, au niveau de son plan d’actions par exemple.
  • L’accompagnement de type intensif concernerait quelque 80 000 DE. Et pour certains d’entre eux, jusqu’à huit entretiens annuels seraient prévus. Vu le taux d’encadrement évoqué, cela parait très ambitieux si on veut éviter la standardisation. Par ailleurs, la formation des conseillers est un gros enjeu. Ils devront s’approprier l’outillage informatique ; mais aussi et surtout, à nos yeux, développer leur aptitude à mettre en place un accompagnement multidimensionnel.
  • La confidentialité des données personnelles et intimes des personnes accompagnées est un point d’attention central. Il touche à la sécurité informatique, aux échanges informatifs entre opérateurs, à l’emprise qu’aura la personne sur le contenu de son dossier unique, etc.
  • Le marché de l’emploi n’est pas favorable pour les personnes à qualification réduite. Une politique volontaire de création d’emplois subventionnée par les pouvoirs publics doit être renforcée et assurée.
  • Les chercheurs universitaires invitent à sortir du cadre habituel et à réfléchir à un autre regard sur la formation et l’emploi ou, plus largement, sur notre rapport au travail. Ils mettent en garde contre un système de chômage et d’allocations sociales autoréférentiel, n’offrant plus guère de perspectives aux personnes y évoluant en boucles.

Après la pause de midi, Patricia VEGA FERNÁNDEZ – enseignante en promotion sociale, formatrice à l’Institut de la Formation en Cours de Carrière à Namur et chercheuse à l’Unité d’Apprentissage et de Formation des Adultes de l’ULiège – a présenté une étude qualitative menée auprès d’adultes ayant un faible niveau de qualification. Elle apporte un éclairage sur des méthodologies « gagnantes » dans l’accompagnement des adultes, en lien avec la formation. Elle donne matière à réflexion sur les effets pervers de la contrainte dans le cadre de cet accompagnement. Elle a questionné le croisement entre un profil psychosocial et une offre de formation pour mieux l’améliorer en faisant la part belle aux dispositions facilitant l’accrochage, la réussite et l’engagement dans un système formatif… Autant d’aspects et de résultats qui nous confortent dans nos approches tout en nous invitant à ré-interroger les pratiques d’accompagnement...

Ensuite, quatre exposés se sont succédé pour décliner les modalités pratiques développées sur le terrain. Chacun était précédé d’une capsule vidéo réalisée avec le GSARA présentant des témoignages de stagiaires sur leur vécu de l’accompagnement. Les intervenants étaient :

  • Marianne LEER, coordinatrice pédagogique au sein du Centre d’insertion socioprofessionnelle la « FUNOC » de Charleroi, qui a abordé l’accompagnement des publics en insertion socioprofessionnelle dans ses dimensions sociales et individuelles, et le lien avec le travail pédagogique au sein d’un CISP. A la FUNOC, ce suivi est assuré par une équipe de travailleurs sociaux en lien étroit avec les formateurs.
  • Pascale LARUELLE, ancienne directrice du CISP « Retravailler liège » et nouvelle directrice adjointe des Associations de Solidaris, qui a retracé l’accompagnement pluridisciplinaire et multipartenarial assuré par une quarantaine de dispositifs à Liège. Ceux-ci ont développé des outils pour mieux collaborer au sein d’un réseau constitué en santé mentale autour des publics en ISP en souffrance psychique.
  • Cédric VAN DE PLAS, porte-parole des quatre Services d’insertion sociale (SIS) du CPAS de Charleroi, qui a décrit les modalités de l’accompagnement des publics en SIS. Il s’agit là de miser aussi sur travail collectif, où le groupe permet de (re)mobiliser les bénéficiaires au travers d’un aller-retour entre activités collectives et suivis individuels.
  • Marylène VAN LAETHEM, assistante sociale et coordinatrice dans l’Initiative Locale d’Intégration (ILI) du Nouveau Saint-Servais, qui a abordé les spécificités de l’accompagnement des publics d’origine étrangère en intégration sociale. Elle a particulièrement insisté, comme d’autres intervenants, sur l’importance de la relation de confiance avec les usagers et sur la nécessité d’un travail de « proximité »

La Ministre Christie MORREALE a tenu à répondre à notre invitation et à nous rejoindre à la fin des travaux. De ses propos, on notera particulièrement une annonce politique intéressant les centres disposant d’un agrément PMTIC. Elle s’engage à ouvrir l’octroi aux indemnités de formation pour les stagiaires en PMTIC quand la réforme en cours sera mise en œuvre en 2023. S’agissant de notre thématique du jour, la Ministre rappelle son intention de changer de paradigme à travers la refonte de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Son objectif est un accompagnement moins axé sur l’administratif, moins contrôlant, plus adapté aux situations des personnes. Elle insiste sur la qualité à rechercher concernant le dialogue entre opérateurs et l’adressage; et souligne que les informations communiquées par les partenaires dans le dossier unique du demandeur d’emploi ne pourront être utilisées à des fins de sanction. Elle conclut en évoquant diverses mesures positives, en matière de formation et d’emploi, rendues possibles par le Plan de relance wallon.

Enfin et en fin, les conclusions politiques de la journée ont été tirées par François XHAARD, coordinateur de la fédération, qui avait déjà assuré l’introduction de la journée et son animation, en « Monsieur Loyal » apprécié par chacun et chacune. Nous y avons rappelé que l’accompagnement est au cœur de nos missions. François a mis en évidence que la réforme du Forem baptisée TIM pour « Talents, Impulsion et Mobilisation » appelle plusieurs points de vigilance : la place importante faite au numérique dans les processus d’accompagnement comme dans la recherche emploi, en particulier pour les plus vulnérables, le processus de segmentation qui vise à affecter les chercheurs d’emplois en quatre catégories selon leur proximité à l’emploi, les outils de profilage utilisés qui vont déterminer le canal d’accompagnement du chercheur d’emploi, les modalités pour une nécessaire évaluation d’ensemble de la réforme, les moyens disponibles et ressources envisagées, tant en nombre de personnes qu’en compétences des conseillers, les conditions pour une participation pleine et entière du chercheur d’emploi et un soutien extérieur tout au long du processus, l’aspect formatif envisagé dans la dimension évaluative du comportement de recherche active d’emploi, la protection de la vie privée et la confidentialité des données personnelles, l’adéquation des outils mis en place par le Forem à l’ensemble des parties (conseiller référent, chercheur d’emploi, partenaire de l’accompagnement, entreprise), et – last but not least- la place et le rôle des partenaires du Forem dans l’ensemble du dispositif.

« Sur fond de crise sanitaire, économique et migratoire qui perdure, les inégalités et la précarité s’accroissent encore. Et pourtant… alors que nos services devraient afficher complet, c’est loin d’être le cas ! La forêt de Sherwood serait-elle à nos portes ? Face aux échecs du marché et de l’état social actif, les injonctions de « distanciation sociale » de la crise sanitaire, un processus de désaffiliation sociale ne frapperait-il pas de plus en plus fort les oubliés de la croissance qui fréquentent nos centres ? Absence d’emploi et isolement relationnel ne seraient-ils pas en train de se conjuguer pour conduire nos publics vers un décrochage encore plus important ? CAIPS l’affirme depuis 2004 et la mise en œuvre du Plan d’accompagnement : ce ne sont pas les personnes qui s’éloignent de l’emploi, mais la société et l’emploi qui se sont éloignés des personnes. Nous n’avons pas attendu la réforme pour faire des propositions ! Un éventail de mesures politiques peut être adopté. Il faut instaurer des systèmes inclusifs adaptés à tous. Il faut améliorer le cadre juridico-administratif. Il est nécessaire d’introduire souplesse et fluidité entre dispositifs. Mais surtout et avant tout, il est impératif de créer de l’emploi peu qualifié ! Nous proposons depuis longtemps des politiques de création d’emplois durables et de qualité pour nos publics. Il est urgent et indispensable de prospecter, développer, inventer de nouvelles niches d’emploi pour les personnes peu qualifiées. Rendons visibles pour les employeurs nos réussites en matière de formation des demandeurs d’emploi éloignés de l’emploi, valorisons nos méthodes et pratiques.

Mais surtout, il faut agir pour favoriser des conditions de relation de confiance avec nos publics. Nous aspirons à la réduction des pressions dues au contrôle ; il faut renforcer la sécurisation des parcours, notamment en augmentant l’indemnité de formation pour tout stagiaire… Une trentaine de propositions, couvrant l’ensemble de ces aspects, figuraient au Mémorandum 2019 de CAIPS. Plusieurs de ces pistes ressortaient déjà des Assises de l’insertion 2012-2015. Il est temps de les mettre en œuvre ! Si la Fédération souligne à ce propos les avancées multiples qui ont vu le jour depuis, nous rappelons également l’importance de soutenir des initiatives qui ouvrent des perspectives comme Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, la Garantie Jeunesse, la Charte associative… Des projets que l’on gagnerait à concrétiser sous un angle réellement novateur ». 

Nous formons le vœu que cette réforme de l’accompagnement en Wallonie offre de nouvelles opportunités. Sa mise en œuvre dépendra aussi de notre propre aptitude à investir le nouveau système avec une approche critique, avertie et toujours tendue vers l’émancipation des personnes. Ne l’oublions pas, des marges de manœuvre existent, il est de notre responsabilité de les utiliser au mieux.

Les actes complets de cet événement sont en cours d’écriture. Vous les retrouverez prochainement sur ce site.