Un groupe de travail s’est intéressé au bien-être des stagiaires en temps de crise sanitaire.
Retour de témoignages de terrain et d’échanges porteurs de questions, mais aussi de propositions…

Le mercredi 22 avril, un Groupe de Travail en ligne a été organisé autour du thème « Bien-être des stagiaires confinés ». Il a réuni 16 travailleurs (pour 15 CISP)… en deux groupes (12 + 5), car en cours de route, il est apparu que deux réunions avaient démarré sous le même nom en même temps, sans connexion entre les deux groupes de participants ! Mystères et aléas de l’appli de visioconférence Jitsi Meet…

Le présent article relate la réunion « à 12 »  (le compte-rendu de la réunion « à 5 » doit nous parvenir ultérieurement). Elle a été guidée par quatre questions principales : Avez-vous des contacts avec vos stagiaires confinés ? Avez-vous mis en place des activités collectives à distance ? Que savez-vous à ce stade du bien-être de vos stagiaires ? Que peut faire la fédération pour soutenir les centres dans leurs démarches et activités relatives au bien-être de leurs stagiaires pendant le confinement ?

Une visioconférence à 12, c’était un challenge… Magnifiquement relevé par le groupe, qui a travaillé avec sérénité, dans un climat d’écoute et partage, pendant près de trois heures (avec une petite pause quand même !). A part le dédoublement de la réunion, peu de problèmes techniques à déplorer, mais 20 à 30 minutes ont été nécessaires au départ pour que chacun soit connecté, audible et visible.

AVEZ-VOUS DES CONTACTS AVEC LES STAGIAIRES ?

Tous les centres participant à la réunion ont mis en place des contacts avec les stagiaires, à l’exception des centres qui travaillent avec des détenus et n’ont, hélas, aucune possibilité de contact avec leur public. On observe que les stagiaires prennent peu contact de leur propre initiative mais sont généralement contents de recevoir des informations du centre et des invitations à interagir. Une partie d’entre eux souffre d’isolement et est en demande de contact humain plutôt que de mails ou de sms. Le contact est plus difficile à maintenir avec les stagiaires qui ne parlent pas bien français.

Canaux : la grande disparité de connexion et d’équipement des stagiaires amène les centres à user de tous les canaux possibles : téléphone, SMS, mail, réseaux sociaux. Dans plusieurs cas, la première étape pour les travailleurs a consisté à collecter les numéros de téléphone et les adresses électroniques réellement employés par les stagiaires, qui n’étaient pas toujours connus avant le début du confinement, puis à identifier au cas par cas quelle était la voie de communication à privilégier avec chaque stagiaire. Un centre a même fourni des ordinateurs à quelques stagiaires qui n’avaient aucun équipement TIC à domicile.

Couverture : l’efficacité de ces contacts varie fortement, en fonction des filières (il est difficile de maintenir un contact avec les stagiaires FLE débutants, par exemple), du degré de confiance déjà construit (les stagiaires arrivés dans le centre très peu de temps avant le confinement sont difficiles à joindre) et de l’implication des stagiaires dans leur formation avant confinement (les stagiaires les plus actifs avant restent aussi les plus actifs après, alors que ceux qui étaient en décrochage sont désormais difficilement joignables). Dès lors, dans certains groupes, 90% des stagiaires répondent présents, tandis que dans d’autres, moins de 20% sont actifs (les deux situations coexistant parfois au sein d’un même centre).

Fréquence : Dans la majorité des cas, un contact est pris au moins une fois par semaine Généralement, ce contact systématique est accompagné de possibilités de prise de contact individuelles à la carte. Un centre envoie quatre SMS par semaine, avec des objectifs et des « tons » contrastés (1 SMS dédié à une problématique particulière (ex : facture énergie), 1 SMS énergisant, etc.). Un autre a opté pour un courrier quotidien de type newsletter, contenant un sujet du jour, une explication théorique, un exercice pratique, un jeu pour les enfants etc, envoyé par mail ou par courrier postal selon les stagiaires.

Contenu : généralement, la prise de contact a pour but principal le maintien d’un lien avec les stagiaires, et contient plutôt des sujets d’ordre général, des encouragements etc. Dans certains cas, des contenus en lien avec la formation sont envoyés (activité d’épanouissement ou élaboration du plan post-formation, voire des cours et classes en ligne pour des formations FLE, remise en niveau, permis de conduire et des tables de conférence pour des formations FLE avancées). La participation des stagiaires aux activités proposées reste facultative, afin de ne pas pénaliser ceux qui sont peu équipés en TIC ou qui n’ont pas de temps à y consacrer.

Personnel : le personnel télé-travaille presque partout, et les contacts sont souvent gérés dans un premier temps par les assistants psychosociaux. Dans plusieurs centres, les formateurs entretiennent également des liens avec les stagiaires (plutôt sur des sujets en rapport avec la formation), et c’est parfois à leurs formateurs que les stagiaires se confient de manière plus personnelle quant à leur vécu du confinement. Des fiches de suivi individuelles (rédigées et gérées dans le respect de la réglementation sur la vie privée) accessibles à tout le personnel aident à centraliser l’information et à répondre de manière adéquate aux besoins exprimés par les stagiaires.

AVEZ-VOUS MIS EN PLACE DES CONTACTS EN GROUPE OU DES ACTIVITES COLLECTIVES ?

Sauf exceptions, les centres ont privilégié la mise en place des contacts individuels, centralisés (le centre fait un envoi cadencé) et à la carte (le stagiaire peut contacter en cas de besoin), car à leurs yeux, organiser des activités collectives en ligne risque de créer des disparités entre les stagiaires, en laissant sur le carreau ceux qui n’ont pas les moyens de se connecter. Une certaine proportion de stagiaires n’est en effet pas équipée informatiquement (pas d’appareil et/ou pas d’abonnement internet à la maison), tandis que d’autres ne sont pas dans des conditions adaptées au travail à distance (logement trop petit, jeunes enfants, un seul ordinateur déjà employé pour le travail scolaire des enfants, …). Mais plusieurs centres envisagent désormais de recourir aux activités en ligne ultérieurement, pour gérer la réouverture progressive des formations en organisant une partie des formations à distance.

Ceci soulève la question de l’accès de tous les stagiaires aux TIC, et fait germer l’idée d’une revendication en la matière : une conversion des indemnités de déplacements (actuellement non versées) en soutien à l’achat d’équipement TIC par les stagiaires (appareils, wifi ou datas). L’idée sera creusée par CAIPS, et évoquée dans le prochain CAIPS InfoNet, dans un article consacré aux difficultés financières des stagiaires confinés.

Bon à savoir : avec la plupart des outils de visioconférence (Jitsi, Skype, Zoom, …), un participant peut rejoindre la réunion par téléphone, en composant le numéro fourni dans les infos de connexion à la réunion. Il entendra les participants et sera entendu par eux.

QUEL EST LE VECU DES STAGIAIRES ?

Les débuts de confinement ont été assez anxiogènes, mais au fil des semaines, les stagiaires se sont adaptés et ils semblent plus sereins maintenant qu’au début. Voici les problématiques les plus fréquemment rapportées.

Vie sociale : les personnes déjà isolées en temps normal se sentent encore plus seules que d’habitude ; des mères seules avec enfants se sentent particulièrement isolées, elles ont peur de tomber dans la dépression, elles n’ont personne avec qui parler ; les jeunes ressentent aussi durement la solitude.

Santé : l’accès aux soins de santé semble plus compliqué que d’habitude. Des stagiaires qui ont de la famille à l’étranger expriment des inquiétudes face à des situations sanitaires parfois très inquiétantes. Les stagiaires témoignent de difficultés psychologiques telles que des angoisses, des moments de paniques, des états dépressifs.

Logement : A vivre dans leur logement 24h/24, les stagiaires souffrent plus que d’habitude de l’étroitesse du logement, de l’absence de dégagement extérieur ou d’espace vert à proximité, ou du  mauvais état éventuel de tout ou partie des pièces et des équipements, sans pouvoir nécessairement y remédier (magasins fermés, coût des réparations hors de leur portée, déménagement impossible même si c’était déjà prévu ou urgent). Vivre nombreux dans des logements trop petits est également très pénible pour beaucoup de familles.

Budget : avec la perte de l’indemnité de formation, certains stagiaires voient leurs difficultés financières s’accentuer, d’autant que le coût de l’alimentation pèse plus lourdement sur le budget familial que d’habitude (le repas chaud à la maison peut coûter plus cher que celui que les enfants peuvent recevoir à l’école). Si des épiceries sociales fonctionnent ci et là, certains stagiaires n’osent plus s’y rendre après avoir sanctionnés pour sortie « non essentielle » par les forces de l’ordre. L’accès aux colis alimentaires n’est pas toujours aisé (trop peu de points de distribution, mal renseignés, pas de voiture pour s’y rendre) Enfin, des stagiaires inscrits dans des centres actifs en matière Horeca y recevaient parfois des colis alimentaires ou des repas pour leur famille, dont ils ne bénéficient plus pour le moment.

Scolarité : dans de nombreuses familles, l’enfant n’a pas d’accès à un ordinateur ou à internet pour rester en contact avec l’école ou réaliser les activités en ligne proposées par les enseignants, les parents craignent pour leur réussite, la discrimination se renforce.

Violences intrafamiliales : les centres participant au GT reçoivent peu de témoignages de stagiaires sur ce sujet, mais peut-être est-il difficile pour les stagiaires concernés d’en parler en étant confinés au logement avec toute la famille à portée d’oreille. Un centre évoque un stagiaire qui exprimait des craintes de ne pas réussir à contenir l’énervement généré par l’omniprésence des enfants au domicile. Un autre évoque le cas d’une stagiaire qui a signalé par SMS à quel moment le centre pouvait l’appeler pour qu’elle puisse parler librement.

Sorties : certains stagiaires ont peur de sortir car ils craignent d’être contaminésou sanctionnés : les centres rapportent des cas de stagiaires verbalisés et sanctionnés financièrement pour des sorties avec enfants jugées « non essentielles », ou pour des courses jugées « non nécessaires ». Les travailleurs s’inquiètent de la liberté d’interprétation des mesures de sécurité par certains représentants de la police : qui peut définir ce qui est « nécessaire » ou « essentiel » sans connaître la situation du contrevenant ? Partir acheter deux bouteilles de coca peut-être, dans certains cas, une solution pour stopper un conflit avant qu’il ne dégénère…  CAIPS propose de communiquer prochainement, via CAIPS InfoNet, sur les mesures de sécurité ainsi que sur les procédures de recours accessibles aux citoyens dans ce genre de situation. D’ici là, la FAQ Covid19 du Centre de crise peut déjà aider les centres à clarifier les choses pour aider les stagiaires.

COMMENT CAIPS PEUT CONTRIBUER A AMELIORER LE BIEN-ETRE DE STAGIAIRES ?

Mutualiser les ressources permettant de communiquer avec les stagiaires à propos de l’alimentation (recettes bon marché, bons plans pour réduire le coût des courses alimentaires, …), du logement (éclaircir les conditions auxquelles un déménagement est permis, transmettre des vidéos pour des techniques d’entretien et de réparation), du budget (qques infos utiles à ce sujet dans Caips Info n°295, p.22-23) de la gestion des enfants, des mesures de sécurité.

Partager les connaissances et expériences des centres en matière de solutions techniques pour l’envoi de SMS, de mails groupés, pour l’organisation de classes en ligne ou de groupes de soutien virtuels. Voire aussi l’article sur les solutions de visioconférence dans Caips Info 295, p.24-26.  N’hésitez pas à nous envoyer les ressources que vous employez et qui sont appréciées des stagiaires, nous pourrons les relayer dans CAIPS Info et, pourquoi pas, les compiler dans des cahiers thématiques à communiquer à l’ensemble des centres

Créer et lancer une micro-enquête « Bien-être des stagiaires confinés » (questionnaire Google Form à proposer aux stagiaires, réalisable seul en ligne ou au téléphone avec le personnel du centre) sur base de questions reprises dans Be.Ins et dans des enquêtes « confinement » existantes pour avoir de la comparabilité. Il faudra veiller à l’anonymat et la rendre accessible au plus grand nombre (niveau de langue, facilité technique, …). Une telle enquête est intéressante si l’info collectée est relayée vers les autorités publiques, et saisie comme opportunité de réfléchir également à l’avenir en impliquant les stagiaires.