Ce mardi 2 mars, Droit et Devoir, membre de CAIPS actif dans le domaine du reconditionnement et du réemploi informatiques, a reçu le Ministre-Président Elio Di Rupo dans ses installations. Une occasion pour l’opérateur de promouvoir ses valeurs, activités, partenariats et projets en développement ; et pour le chef de file du Gouvernement wallon de remettre à des stagiaires des ordinateurs acquis dans le cadre de sa mesure « Coup de pouce digital ». Ce dernier a également fait état d’un contexte qui doit alerter les centres. Il nous faut réaffirmer l’impact social des actions du secteur au bénéfice de publics déjà en situation de fragilité et particulièrement mis à mal par la crise.

Situation sanitaire oblige, l’événement organisé par Droit et Devoir a été retransmis en ligne. Son Directeur, Bouchaib SAMAWI a pris la parole en premier pour exposer les principes sociaux, économiques et écologiques qui sous-tendent l’activité de l’ASBL. Outre les formations de valoriste, en reconditionnement informatique ou impression 3D qu’il organise, le centre collabore à des projets pédagogiques et entrepreneuriaux tant en région montoise qu’avec des partenaires étrangers, à l’instar d’organismes marocains représentés ce jour. Droit et Devoir a entre autres souligné son rôle dans la création de la coopérative à finalité sociale Formarec et fait part de son projet de parc pédagogique sur le thème du développement durable. Bouchaib SAMAWI n’a pas manqué d’insister sur les enjeux mis en exergue par la crise que nous traversons : failles du système de santé, fracture numérique, contraintes imposées aux centres, difficultés pécuniaires des stagiaires…

Le Ministre-Président a ensuite dialogué avec les représentants de Droit et Devoir, s’intéressant au mode de financement du centre, au profil de ses stagiaires, au taux d’abandon et au taux d’insertion dans l’emploi, aux passerelles vers la formation qualifiante et à la reconnaissance des compétences.

Comme d’autres participants à la rencontre, CAIPS a été frappé par la teneur des propos d’Elio Di Rupo, qui a mis fortement l’accent sur les objectifs d’insertion professionnelle et les restrictions budgétaires qui risquent de s’imposer aux CISP :                                « La difficulté est que l’argent manque. Imaginez qu’on fasse ici une zone « zéro chômeur » : est-ce qu’on peut dire que dans un délai de 0 à 3 ans, il y en a 80% qui trouveraient un emploi ? (…) Il faut qu’on fasse la différence entre l’assistanat, où des sous sont donnés pour survivre, et les projets où on investirait sur ceux avec un potentiel de réussite. (…) Il y a actuellement beaucoup de sous qui sont injectés sans résultats. Y a donc beaucoup à réfléchir, parce que l’argent manque. L’UE donne moins. Et avec la Covid, ça s’aggrave. » S’agissant de la création d’entreprises d’insertion pour offrir un débouché aux stagiaires sortants, le chef du Gouvernement a estimé que « ça c’est un modèle très intéressant, le fait d’accrocher une ou deux entreprises opérationnelles sur le marché de l’emploi ». Il a enfin précisé que « dans certains milieux, il y a de grandes critiques concernant les CISP : « ça coûte trop cher et ne mène à rien, c’est occupationnel, ça ne mène pas à un job ». Ma formation politique soutient les CISP, mais il faudrait avoir une discussion à quelques-uns pour trouver des solutions pour que ce soit encore beaucoup plus rapide en termes d’insertion. Et il faudrait avoir des chiffres. »  Et de répéter sa proposition de discuter en vue d’améliorer les résultats à l’avenir. Dont acte.

Comme c’est le cas cycliquement, notre secteur s’apprête à subir une pression accrue dictée par le tout à l’emploi. Dans le contexte de la coalition régionale actuelle, alors que les vannes ouvertes pour faire face à la pandémie vont se refermer et que le Plan de relance européen vise le redressement économique avant tout, la mise à l’emploi se profile comme l’alpha et l’oméga des objectifs assignés à l’ISP. A l’encontre de ses fondements mêmes. Se mobiliser paraît urgent, pour réaffirmer les dimensions multiples de l’impact généré par le secteur au bénéfice de publics déjà en situation de fragilité et particulièrement mis à mal par la crise.

La balle a atterri dans notre camp. Comment nous y prendre en ce moment critique ? Faire valoir auprès de tout décideur l’étendue du travail mené en CISP semble à nouveau impératif. De même auprès des citoyens et corps intermédiaires à qui il faut faire connaître le rôle joué annuellement par les CISP auprès de quelque 20 000 personnes en matière de bien-être, d’émancipation, d’autonomie, de connexion sociale… Dès le lendemain de l’échange chez Droit et Devoir, CAIPS a contacté l’Interfédé et d’autres relais en vue d’organiser une rencontre entre le Cabinet de la Ministre Morreale et nos représentants. Un dialogue est nécessaire pour chercher à dégager des pistes sous un ciel qui se fait menaçant.

Dans cette période particulière, la réactivité et la résilience du secteur ont été manifestes : créativité productive de nombreuses EFT, adaptation rapide au distanciel imposé, innovation dans les formes de maintien du lien avec les usagers, etc. Des qualités largement reconnues, sur lesquelles on peut prendre appui pour une campagne de sensibilisation.

Il est surtout crucial de mettre en avant les effets multidimensionnels de notre action. Il y a peu, la Région wallonne elle-même a mis des moyens à disposition d’opérateurs de l’économie sociale et de l’ISP pour évaluer et valoriser leur impact social [1]. Cette notion est composite : elle renvoie aux transformations induites pas l’action des opérateurs sur les individus et les collectivités, au plan économique mais aussi psychosocial, social, culturel, éducatif, démocratique… CAIPS accompagne actuellement                         16 structures dans ce travail analytique. Un peu plus tôt en 2020, CAIPS publiait les résultats de l’enquête Bien-être et Insertion menée auprès des stagiaires de ses affiliés en collaboration avec le CIRIEC et ConcertES. On invite les responsables politiques à consulter cette brochure pour appréhender de façon plus globale la plus-value générée par les CISP [2]. Ou, pour une présentation synthétique de nos missions, le fascicule Une autre voie vers l’intégration : les CISP [3]. En attendant la suite d’un travail de conviction qui s’annonce exigeant.

[1] https://www.caips.be/bourses-de-valorisation-de-limpact-social/
[2] https://www.caips.be/bien-etre-et-insertion/
[3] https://www.caips.be/publications/une-autre-voie-vers-lintegration-les-cisp/